Qu’est-ce qu’un corpus littéraire ? A cette question qui intéresse la littérature générale, les données littéraires antiques, notamment bibliques et patristiques, permettent d’apporter quelques éléments de réponse. Le corpus ne se définit pas par la présence d’un titre et d’une attribution d’auteur, car toute oeuvre littéraire est normalement pourvue de telles indications. Il se caractérise d’abord par un nombre : il comprend un nombre fixe d’éléments, qui donne lieu à discussion: y-a-t-il 22 ou 24, 44 ou 45 livres de l’Ancien Testament ? Les données recueillies ici à propos du livre d’Esther (Claudine Cavalier) ou dans les « Synopses » sur la Bible (Gilles Dorival) mettent en valeur les enjeux de ces discussions. Le corpus se définit ensuite par un ordre déterminé : dans la Bible, la Genèse précède l’Exode, qui précède lui-même le Lévitique, lequel est avant les Nombres, le Deutéronome, Josué, les Juges, Samuel et les Rois, etc. L’interprétation de l’ordre des corpus n’est pas chose aisée et des recherches restent à mener dans ce domaine. Un troisième élément de définition est que le corpus littéraires peuvent comporter des sous-corpus, c’est-à-dire des corpus internes au corpus de départ : par exemple, la Bible a d’abord été divisée en Loi et Prophètes, puis en Loi, Prophètes et Écrits; d’autres tentatives de division et de classification du corpus biblique sont attestées, notamment dans la « Synopse » de Jean Chrysostome. Des phénomènes de circulation entre les sous-corpus se font jour : Esther représente un cas singulier de ce point de vue. Enfin, dans le cas du livre des psaumes et des collections dont il est fait, faut-il se contenter de parler de sous-corpus ? Ne faut-il pas introduire d’autres notions ? Les cantiques des degrés apportent un éclairage sur ce point (Florence Bouet). Un dernier élément de définition des corpus littéraires doit être pris en compte: ils ont donné lieu à des explications orales (cours et homélies) et écrites (scholies et commentaires). Ce phénomène est bien connu dans le cas de la Bible, avec la mise par écrit de la loi orale dans la Mishna et les Talmuds . Mais il est aussi attesté dans le cas des Pères de l’Église, comme le montre l’exemple du Pseudo-Denys (Christian Boudignon). Trois jeunes chercheurs ont collaboré avec Gilles Dorival pour la rédaction de ce livre.
Collection de la Revue des Études Juives, 35