Il est peu probable que la lettre que Meïr Ben Siméon de Narbonne se proposait d’adresser au roi Louis IX – qui deviendra saint Louis en 1297 – lui soit parvenue ou ait même été envoyée. Une seule copie en a été conservée, avec d’autres textes de ce célèbre talmudiste, dans un manuscrit provençal du XIVe siècle, connu sous le nom de Milhemet Mitsvah. Cette pseudo-missive présente un intérêt particulier dans le corpus des « suppliques » et autres « implorations » pour l’amélioration du sort des Juifs du royaume de France sous le règne de ce roi antijuif s’il en fût, en ce qu’elle fait intervenir – probablement pour la première fois dans cette littérature – des arguments économiques, fondés sur les Écritures. En interdisant aux Juifs le prêt à intérêt et en les privant d’une activité professionnelle qui leur permet de vivre décemment, écrit Meïr, le roi met en danger l’économie de son propre pays qui, sans l’usage du prêt, risque la faillite.
Pièce maîtresse de l’histoire des Juifs de France au XIIIe siècle, cette lettre vient enrichir décidément ce que l’on sait des rapports entre ce « saint » roi et ses sujets juifs, dont on connaît le soin qu’il prit à les ostraciser en même temps qu’à brûler leurs livres par « pleines charretées » sur la place de Paris.
Edition bilingue hébreu/français