Le Roman pseudo-clémentin, actuellement décliné en deux versions, l’une grecque (les Homélies), l’autre latine (les Reconnaissances), est l’un des documents les plus précieux et les plus difficiles d’interprétation du christianisme primitif. En effet, quoique relevant de l’univers fictionnel, il constitue notre meilleure source pour la connaissance du judéo-christianisme antique. Ce recueil d’études se propose comme but de montrer comment et dans quel dessein est né le Roman, par fusion de différentes traditions. La principale thèse qui y est développée concerne sa genèse : le Roman serait né de la transformation d’un récit d’origine juive, mettant en scène le consul Flavius Clemens, parent de Domitien, exécuté en 95 pour « mœurs juives ». Un rédacteur chrétien ultérieur (fin du IIe ou début du IIIe siècle) en aurait repris la trame narrative en identifiant ce Clemens à Clément Romain, le quatrième « évêque » de Rome selon la tradition eusébienne, et en mêlant à l’intrigue originelle, celle d’un roman de reconnaissances, une seconde trame narrative, centrée sur l’affrontement entre l’apôtre Pierre et Simon dit le Magicien. Le sens de cette étrange confusion est à chercher dans les options théologiques du rédacteur, pour lequel le christianisme est un aboutissement et un accomplissement du judaïsme, tandis que le disciple de Jésus le prophète doit être considéré tout simplement comme le seul vrai juif.
Collection de la Revue des Études Juives, 53