I – Argument
L’éducation reflète les choix d’une société : elle transmet aux générations futures les savoirs et les valeurs qu’elle juge essentiels, souvent revisités à l’aune des préoccupations contemporaines. L’histoire de l’éducation est ainsi indissociable de celle de la société. Appliquée aux juifs de France, elle devient un prisme fécond pour observer les mutations démographiques, les repositionnements identitaires et les enjeux nationaux ayant jalonné leur parcours.
L’école n’est pas un simple réceptacle passif de ces dynamiques : elle les façonne à son tour. Elle prépare les citoyens de demain, tout en étant modelée par les attentes et les tensions qui traversent la communauté. Aujourd’hui, l’école juive constitue un pilier central de la vie communautaire organisée en France. Elle éduque la troisième génération née après la Seconde Guerre mondiale, mais ses racines plongent bien plus loin, jusqu’aux premiers temps de l’émancipation.
Dès les décrets impériaux du début du XIXe siècle, la nécessité d’une réforme éducative s’impose. L’objectif : passer d’une instruction centrée sur les rites à une formation de l’israélite moderne, à la fois citoyen engagé et fidèle à sa tradition. La loi Guizot, puis la laïcisation progressive de l’enseignement, redéfinissent les contours de l’éducation juive, qui évolue au rythme des transformations internes de la communauté et des politiques éducatives de l’État.
L’école juive française se situe donc à la croisée de deux dynamiques : celle de la modernisation éducative et celle, plus intime, de la transmission du judaïsme. Elle incarne un espace où se rejoue, génération après génération, la continuité du peuple juif par l’étude et la culture.
II – Méthodologie
L’historiographie contemporaine accorde une importance croissante à l’accès direct aux sources primaires, longtemps réservé à un cercle restreint d’érudits. Ce contact direct avec les documents du passé agit comme une fenêtre ouverte sur les réalités historiques, permettant de mieux saisir l’atmosphère, les enjeux et les sensibilités qui entouraient les événements décrits.
Dans cette perspective, la microhistoire acquiert une légitimité nouvelle : en prêtant attention aux cas particuliers, aux situations locales et aux trajectoires individuelles, elle enrichit notre compréhension des grands processus historiques. Loin d’anecdotiser le récit, elle en renouvelle les perspectives. À cet égard, l’usage des ego-documents — journaux intimes, correspondances, autobiographies, témoignages — se révèle particulièrement fécond pour explorer les représentations, les émotions et les tensions internes aux acteurs de l’histoire éducative.
Cet ouvrage collectif s’inscrit pleinement dans cette approche. Il articulera des études de synthèse et d’analyse avec une sélection de documents historiques, souvent oubliés ou dispersés, et de récits biographiques rarement exploités. Cette combinaison permet d’offrir à la fois une vue d’ensemble structurée et une plongée dans la texture concrète des expériences éducatives.
Ce parti pris méthodologique répond à un double objectif : éclairer les enjeux spécifiques de l’éducation juive en France aux XIXe et XXe siècles, et renouveler l’historiographie de l’école en intégrant les voix et les vécus des acteurs eux-mêmes — élèves, enseignants, administrateurs ou responsables communautaires. En rendant à ces voix leur place dans le récit historique, nous faisons le pari d’une histoire plus incarnée, et plus attentive aux tensions entre normes collectives et subjectivités individuelles.
III – Repères chronologiques et pistes thématiques
Éducation et Identité – de la Révolution à la Grande Guerre
• Le rôle éducatif du Consistoire central
• Les manuels d’instruction religieuse
• Les écoles consistoriales à Paris et en Province
• Tensions et conflits autour de l’éducation juive en Algérie française
• L’école Lucien de Hirsch
Éducation et Mémoire – l’Entre-deux-guerres
• Les écoles professionnelles de l’ORT
• Les écoles des Juifs immigrés d’Europe de l’Est à Paris
• La Yechiva de Neudorf (Strasbourg) et la Yechiva Hahkmei Tsarfat (Aix-les-Bains).
• L’éducation informelle : le mouvement des Éclaireurs Israélites
• Le Collège Maïmonide
Éducation et Renouveau – après la Shoa
• L’école juive à la française : visions, programmes et réalités
• Novardock à Paris : le réseau du Refuge
• L’impact des institutions communautaires sur le développement de l’école juive
• La place de l’État d’Israël dans l’éducation juive
• Le Talmud-Torah et la vie communautaire
• Le rôle éducatif de la Jeunesse Loubavitch
• Le développement des écoles juives à la fin du XXe siècle
Vers un professionnalisme de l’éducation juive
• Le contrat d’association : un enjeu pour l’école juive
• Jardins d’enfants, psychopédagogie et écoles maternelles
• L’enseignement spécialisé et l’encadrement des difficultés scolaires
• La formation des enseignants et des directeurs
Les propositions d’article sont à envoyer d’ici le 31 juillet 2025
à l’adresse suivante : yehudab@herzog.ac.il