Dans le roman national, Louis IX de France est l’archétype du roi sage rendant la justice sous son chêne de Vincennes, et le modèle du roi pieux, acquéreur de la Sainte Couronne, qui meurt à Tunis pendant la huitième croisade. Pour l’Église, qui le canonise en 1297, vingt-sept ans seulement après sa mort, c’est un saint. Dans l’histoire juive, pourtant, il laisse l’image d’un roi profondément antijuif et il est traditionnellement considéré par les spécialistes comme un persécuteur. Ses ordonnances contre l’usure, ses mesures pour imposer aux juifs le port de la rouelle, les autodafés de livres rabbiniques qu’il ordonne, et notamment le « brûlement de vingt-quatre charretées » de manuscrits rabbiniques à Paris, en 1242-1244, font de lui le plus antijuif des Capétiens. Mais sa politique en direction des juifs est plus ambivalente qu’il n’y paraît. Contrairement à son grand-père Philippe Auguste – qui expulse les juifs en 1182 – et à son petit-fils Philippe le Bel – qui en fait autant en 1306 –, et même à ses frères Charles d’Anjou et Alphonse de Poitiers, Saint Louis n’a finalement jamais expulsé les juifs de son royaume.
Ce colloque réunissant une vingtaine de spécialistes, français et étrangers, de l’histoire des juifs au Moyen Âge, ainsi que des médiévistes spécialistes d’histoire politique, culturelle, économique et sociale, devrait permettre un renouvellement historiographique et contribuer à réinscrire l’histoire juive dans l’histoire européenne. Sans verser dans l’anachronisme d’une évaluation huit siècles plus tard de l’antijudaïsme de la politique royale et de la propagande du trône, ce colloque tentera d’inscrire la législation en direction des juifs dans la politique générale du règne de Blanche de Castille et de Saint Louis – comme l’historien canadien Gavin Langmuir invitait à le faire il y a déjà cinquante ans –, qu’il s’agisse de la politique économique comme de la poursuite de la construction monarchique. La comparaison de la politique de Saint Louis avec celle des autres Capétiens, ainsi qu’avec celle des princes du XIIIe siècle, en France et dans les autres pays européens – Aragon, Angleterre, Sicile… –, offrira des éclairages nouveaux sur ces aspects mal connus du règne de Saint Louis.
Mercredi 5 novembre
10 h 00 : Introduction par Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux et Paul Salmona, directeur du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
10 h 15 : « Juifs et judaïsme en France à l’époque de Saint Louis »
Mise en perspective par Gérard Nahon, directeur d’études honoraire à l’Ecole pratique des Hautes Etudes, Paris
11 h 00 : « Exégèse chrétienne, exégèse juive au XIIIe siècle »
Gilbert Dahan, directeur de recherches au CNRS, Laboratoire d’études sur les monothéismes
I – La législation de Saint Louis et de ses frères en direction des juifs
Séance présidée par Henri Bresc et Claude Denjean
11 h 45 : « La lutte contre l’usure et pour “l’amélioration” des juifs »
Joseph Shatzmiller, professeur émérite d’histoire médiévale, Duke University, États-Unis
12 h 30 : Pause
14 h 00 : « Captio, inquisitio, reparatio, Louis IX et la restitution des usures juives »
Marie Dejoux, post-doctorante, Lamop-Paris I
14 h 45 : « Saint Louis et le port de la rouelle »
Danièle Sansy, maître de conférences d’histoire médiévale, université du Havre
15 h 30 : Pause
15 h 45 : « Les juifs dans les chroniques du temps de Saint Louis »
Claire Soussen, maître de conférences en histoire du Moyen Âge, université de Cergy-Pontoise
16 h 30 : « Charles Ier et Charles II, frère et neveu de Saint Louis, et leurs juifs : versatilité ou cohérence ? »
Juliette Sibon, maître de conférences d’histoire médiévale, université d’Albi, directrice de la Nouvelle Gallia judaica
17 h 15 : « Les juifs et les marchands : le financement des croisades d’Alphonse de Poitiers »
Gaël Chenard, directeur des archives départementales des Hautes-Alpes
18 h 00 : Fin de la première journée
Jeudi 6 novembre
II – Un arsenal idéologique contre les juifs ?
Séance présidée par Gérard Nahon
9 h 30 : « L’Université de Paris et la controverse de 1240 »
Maurice Kriegel, directeur d’études à l’EHESS, Paris
10 h 15 : « Combattre par la parole : la politique de Louis IX vue par rabbi Meïr ben Siméon
de Narbonne »
Pierre Savy, maître de conférences en histoire du Moyen Âge, université Paris-Est – Marne-la-Vallée
11 h 00 : Pause
11 h 15 : « Les livres composés et copiés par les juifs durant le siècle de Saint Louis (1240-1340). »
Colette Sirat, directrice d’études émérite à l’Ecole pratique des Hautes Etudes, Paris
12 h 00 : « La représentation des Juifs à l’époque de Louis IX. Le bon juif et le mauvais juif »
Sonia Fellous, chargée de recherche, CNRS, Paris
12 h 45 : Pause
14 h 30 : « Le peuple hébreu dans les vitraux de la Sainte-Chapelle »
Françoise Perrot, directrice de recherche, CNRS
III – La politique de Saint Louis à la lumière des autres souverains contemporains
Séance présidée par Maurice Kriegel
15 h 15 : « Frédéric II et les juifs de Sicile »
Henri Bresc, professeur émérite d’histoire médiévale, université de Paris X
16 h 00 : Pause
16 h 15 : « Les juifs d’Angleterre à la veille de l’expulsion de 1290 »
Judith Olszowy-Schlanger, directrice d’études à l’Ecole pratique des Hautes Etudes, Paris
17 h 00 : « La politique de Louis IX vue d’Aragon. Jacques le Conquérant et les juifs de ses royaumes »
Claude Denjean, professeur d’histoire médiévale, université de Perpignan
17 h 45 : Conclusions
Claude Gauvard, professeur émérite d’histoire médiévale, université de Paris I
Colloque dirigé par Juliette Sibon et Paul Salmona
Auditorium du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan – 71, rue du Temple – 75003 Paris
Accès gratuit dans la limite des places disponibles
Réservation indispensable à reservations@mahj.org