Les Juifs dans la libération 1945 en France : 80 ans après

Journée d’études prévue pour le premier semestre 2025 (27 janvier 1945, fermeture du camp d’Auschwitz, avril – juillet 1945 : retour des survivants de la Shoah).

ARGUMENTAIRE

1945-2005-2025.

En 2005, nous avions déjà organisé un colloque intitulé : Histoire et conscience, il y a soixante ans, l’ouverture des camps d’extermination. Les actes furent publiés, en 2007, aux Éditions du Conseil Scientifique de l’Université Charles-de-Gaulle – Lille 3. Il donnait la parole à des historiens qui évoquaient la résistance dans les camps et les commémorations, à des témoins ainsi qu’à des chercheurs spécialistes d’écrivains tels Primo Levi Zoran Music, Miklos Bokor, Élie Wiesel. La présente journée d’études voudrait compléter ces travaux en donnant la préférence d’une part à l’histoire du retour chez soi après la libération de la France et d’autre part à l’étude littéraire de la Shoah.

À l’été 1944, une grande partie de la France est libérée. Les rues des villes et des villages sont le théâtre de scènes de liesse. La joie est-elle partagée par tous ? La guerre n’est pas terminée, des combats se déroulent encore dans les Ardennes, les déportés ne connaissent pas encore la libération et ne rentrent toujours pas.

En France, le gouvernement de Vichy tombe et un gouvernement provisoire commence immédiatement à fonctionner. Qu’en est-il des mesures raciales et racistes édictées par le gouvernement du maréchal Pétain ? Que deviennent les institutions mises en place par ce même gouvernement pour faire appliquer ces mesures, comme l’UGIF ?

Pour les Juifs qui ont réussi à échapper aux dénonciations et aux rafles, c’est effectivement la libération, la délivrance. Et pourtant, quand ils rentrent chez eux, c’est le vide matériel et psychologique. Les logements sont saccagés, les biens ont été vendus et la famille déportée ne rentre pas. Mais il faut revivre.

À l’été 1945, quand Lili Leignel arrive en France après avoir survécu, avec ses deux frères, durant un an et demi aux camps de Ravensbrück et de Bergen-Belsen, elle est une adolescente de 13 ans. Les trois enfants rentrent seuls, démunis, la maman, très malade et intransportable, est restée en Allemagne. Le papa ne revient pas. Est-ce la délivrance ? Lorsque la famille de Paul Roos rejoint à Lille, à l’été 1945, après s’être réfugiée dans le Massif-Central, ses parents recherchent en vain leur fils ainé disparu à Auschwitz et se lancent dans cinq années de démarches administratives et judiciaires éprouvantes pour récupérer leurs biens. La vie d’avant a-t-elle repris ? Quelles sont alors les capacités de résilience des rescapés de la déportation, des clandestins ? Quelles positions peuvent-ils adopter vis-à-vis de la France ? Quels espoirs peuvent-ils nourrir vis-à-vis du projet sioniste qui est mis à mal dans la Palestine encore mandataire ?

Immédiatement après la guerre, des rescapés de la Shoah ont voulu parler et écrire. Des témoignages ont été édités, des œuvres littéraires ont paru. La déportation, la vie clandestine sont devenues des sujets d’œuvres de fiction dès la première génération. Ces écrivains furent suivis plus tardivement par des seconde et troisième générations.

À leur retour, les rescapés n’ont pas parlé ! « On ne nous a pas écoutés alors on s’est tu », ce sont des phrases souvent prononcées et souvent entendues. Ou bien encore : « J’étais caché donc ce que j’ai vécu ne mérite pas d’être raconté ». Est-ce la réalité ? Et pour évoquer ce que fut la Shoah ou la clandestinité faut-il en appeler à la fiction ? Le témoignage suffit-il ? Des journaux ont été édités (Anne Frank, Hélène Berr, Etty Hillesum), des récits ont été publiés (Simone Veil, Boris Cyrulnik, Lili Leignel, Ginette Kolinka, etc.), de même que des œuvres littéraires ou des témoignages littérarisés (Élie Wiesel, Robert Antelme, Robert Bober, Georges Perec, Henri Raczymov, etc. / pour ne citer que ceux-là), également des BD. Un même statut unit-il toute cette littérature dans sa diversité? À quelle littérature ressortent ces écrits? L’autobiographie? L’écriture de la Shoah? Comment s’articule l’hybridité de ces textes?

Le sujet est immense et une journée ne suffirait évidemment pas à le traiter. Il pourrait aussi déborder sur de nombreux pays. Nous privilégions donc la France et des écrivains de langue française.  

Nous souhaitons partager la journée d’étude en deux moments, laissant la parole aux historiens le matin, à l’approche littéraire l’après-midi. Nous souhaitons vivement donner la parole à la jeune recherche en cours, avec comme sujets possibles à aborder (la liste n’est pas exhaustive) :

  • sortie des camps
  • retour des camps
  • récupération des biens
  • accueil de l’entourage, de l’administration
  • avenir : où vivre, revivre (dans le pays d’origine, aux Amériques Nord et/ou Sud, en Palestine /Israël) ?
  • faut-il parler, dénoncer ? Ce thème pourrait être une transition avec le second volet : la littérature :
  • témoignages sur les camps au lendemain de la guerre
  • écriture de la deuxième et troisième générations
  • étude sur un auteur
  • le recours aux différents genres littéraires

Nous attendons, pour la mi-septembre, des propositions de contribution accompagnées d’un résumé de 2000 signes maximum.

La publication des actes de la journée est prévue dans Tsafon, revue d’études juives du Nord, éditée par l’université de Lille et en ligne sur openedition.

Répondre à :

Martine Benoit, professeur de l’université de Lille, études germaniques, martine.benoit@univ-lille.fr

Danielle Delmaire, professeur émérite de l’université de Lille, histoire contemporaine, danielle.delmaire@wanadoo.fr