« From Alphabetical Mysticism to Theosophical Kabbalah. A Rare Witness to an Intermediate Stage of Moses de León’s Thought »

Avishai Bar Asher

REJ vol. 179, n° 3-4, 351-384

Résumé

Cet article examine la pensée kabbalistique de Moïse de León à travers un ensemble de ses oeuvres manuscrites non signées, dont certaines n’ont été découvertes que récemment et d’autres n’ont fait l’objet d’aucune étude scientifique. L’analyse de ces oeuvres met à nu une étape intermédiaire de sa pensée qui fait le lien entre la doctrine reflétée par ses premières oeuvres ésotériques et les compositions théosophiques plus tardives et plus familières qui portent son nom. Les pages de ces oeuvres non signées renferment des spéculations sur les lettres de l’alphabet hébraïque et les noms de Dieu, à travers lesquelles Moïse de León exprime un mélange original de théologie et d’angélologie s’inscrivant pour l’essentiel dans un cadre aristotélicien. Les chercheurs ont jusqu’ici considéré que Moïse de León et d’autres kabbalistes actifs à peu près à la même période et au même endroit avaient brusquement et mystérieusement abandonné cette vision du monde pour une autre, reposant sur le fondement théosophique d’une multiplicité d’attributs ou sephirot émanés au sein de la divinité. En étudiant attentivement ces oeuvres manuscrites, en particulier un traité négligé présent dans le ms. Munich, Bayerische Staatsbibl., Cod. hebr. 47, l’auteur de cet article retrouve une période de transition dans la pensée de Moïse de León, alors qu’il n’avait pas tout à fait abandonné le premier paradigme conceptuel. Un nouveau récit historiographique est alors proposé, selon lequel les kabbalistes castillans vivant dans la génération du Zohar ont lentement absorbé la nouvelle théosophie et ont essayé de l’incorporer aux paradigmes existants, ce qui a donné lieu à la production de pensées hybrides originales et à l’élaboration de nouveaux modes de spéculation. Cet article présente donc une nouvelle façon de rendre compte d’une étape critique de l’histoire de la Kabbale médiévale, concernant la strate fondamentale du Sepher ha-Zohar. En plus d’approfondir notre connaissance du terreau conceptuel sur lequel ont germé les concepts fondateurs du Zohar, les résultats de cette étude nous conduisent à penser à nouveaux frais l’apparition de l’oeuvre canonique entre toutes de la littérature kabbalistique.

Abstract

This article investigates Moses de León’s early kabbalistic thought through a cluster of his unsigned works in manuscript, some of which have only recently come to light, and others of which have not received any scholarly attention at all. The analysis of these works reveals an intermediate stage of his thought that bridges his earlier esoteric writing with the later, and more familiar, theosophical compositions that bear his name. The folia of these unsigned works are replete with speculations concerning the letters of the Hebrew alphabet and the names of God, through which de León expressed a unique blend of theology and angelology that was shaped, mainly, by Aristotelian paradigms. Scholars previously posited that de León, and other kabbalists active in roughly the same time and place, abruptly and mysteriously abandoned this worldview for a new one predicated on the theosophical foundation of a multiplicity of attributes or sephirot within the emanated Godhead. Through careful study of these works in manuscript, particularly a neglected work in MS Munich, Bayerische Staatsbibl., hebr. 47, the author recovers a transitional period in de León’s thought, when he had not quite given up one conceptual paradigm for the other. A new historiographical account is then proposed, according to which Castilian kabbalists living in the generation of the Zohar absorbed the new theosophy slowly and tried to incorporate it into existing paradigms, resulting in unique hybrids, even as they also consolidated new modes of speculation. This article therefore provides an alternative account of a critical stage in the history of medieval kabbalah, one which concerns the fundamental stratum of the so-called Sepher ha-Zohar. In addition to deepening our knowledge of the conceptual humus from which the Zohar’s foundational concepts germinated, the findings of this study force us to reconsider what we know about the appearance of the most canonical work in Kabbalistic literature.