Le mérite de Jan Tomasz Gross
Le président de la République de Pologne, Andrzej Duda, envisage de retirer à l’historien Jan Tomasz Gross, l’ordre national du Mérite. C’est un mauvais signe. Par ses recherches sur la Shoah et le comportement assassin de « voisins polonais » à l’égard des Juifs, par ses livres et ses interventions, Gross a apporté une contribution décisive au retour lucide de la Pologne sur son passé. Ses analyses de l’histoire et de la mémoire des relations judéo-polonaises ont été largement discutées dans le cadre normal d’une activité scientifique et du débat public de la Pologne démocratique. De nombreuses autres investigations, notamment celles conduites par l’Institut de la mémoire nationale en 2001-2002, ont confirmé ses découvertes. Des déclarations solennelles des plus hautes autorités de l’Etat ont reconnu, suite à ces débats, la responsabilité de Polonais dans l’assassinat de Juifs sous l’occupation allemande. Et demandé pardon.
Considérer aujourd’hui que J.T. Gross aurait porté atteinte à « la réputation de la Pologne » en contribuant à cette évolution, est proprement insensé. Outre que cela menace la liberté du travail scientifique, ce geste prendrait une signification dangereuse. Ce serait revenir au vieux roman national de « la Pologne innocente et héroïque » du temps de la Pologne populaire. Un récit qui serait un grave retour en arrière.
Nous qui croyons, comme le président polonais à Jedwabne en 2001, « qu’on ne peut pas être fiers de la glorieuse histoire polonaise sans ressentir, dans le même temps, douleur et honte pour le mal fait aux autres par des Polonais », nous demandons au Président Duda de ne pas donner suite à sa démarche. Ces vingt-cinq dernières années, la Pologne s’est grandie en se penchant, comme la France et l’Allemagne, sur les pages sombres de son passé. En les assumant. Elle est la seule ex- Démocratie populaire à l’avoir fait. Elle perdrait beaucoup aux yeux du monde, en sanctionnant un historien qui n’a fait que son travail.
Annette Becker, historienne, université Paris Ouest Nanterre Delphine Bechtel, historienne, Paris IV
Georges Bensoussan, historien, Revue d’Histoire de la Shoah Pierre Birnbaum, politiste, université Paris I
Alain Blum, démographe, EHESS
Philippe Boukara, historien, Collège des Bernardins, Amitiés judéo-chrétiennes de France Gisèle Berkman, philosophe, Collège international de philosophie
Johann Chapoutot, historien, université de Paris III
Catherine Coquio, littérature comparée, université de Paris VII Françoise Daucé, historienne, EHESS
Anny Dayan-Rosenman, littérature de la Shoah, université de Paris VII Marc Elie, historien, CNRS
Jeanne Favret-Saada, anthropologue, écrivain Guillaume Garner, historien, ENS Lyon
Sylvie-Anne Goldberg, historienne, EHESS
Sylvie
Gouttebaron, Maison des écrivains et de la littérature Catherine Gousseff,
historienne, CNRS
Agnieszka Grudzinska, littérature polonaise, université de Pairs IV Mireille Hadas-Lebel, historienne, université de Paris-Sorbonne Christian Ingrao, historien, CNRS
Luba Jurgenson, littérature russe, université de Paris IV Charles Kecskemeti, archiviste
Audrey Kichelewski, historienne, université de Strasbourg Emilia Koustova, historienne, université de Strasbourg Sabina Loriga, historienne, EHESS
Judith Lyon-Caen, histoire littéraire, EHESS
Phlippe Mesnard, littérature comparée, Université de Clermont-Ferrand Catherine Maurer, historienne, université de Strasbourg
Georges Mink, politiste, CNRS
Alban Perrin, historien, IEP Bordeaux
Jean-Yves Potel, politiste, université Paris VIII Hélène Puiseux, historienne, EPHE
Richard Prasquier, président d’honneur du CRIF
Olivier Reboul, historien, conservatoire national supérieur de musique de Paris Amandine Regamey, littérature russe, université Paris I
Jacques Revel, historien, EHESS Régine Robin, écrivaine
Henry Rousso, historien, CNRS Danielle Rozenberg, politiste, CNRS
Izio Rosenman, président de l’association pour un judaïsme humaniste et laïc Gilles Rozier, écrivain, éditeur
Anne Saada, historienne, ENS-CNRS Jean-Frédéric Schaub, historien, EHESS
Jacques Sémelin, historien, CNRS-Sciences Po Paris
Malgorzata Smorag-Goldberg, littérature polonaise, université Paris IV Jean-Charles Szurek, sociologue, CNRS
Daniel Tollet, historien, société des Etudes juives Cécile Wajsbrot, écrivaine
Nicolas Werth, historien, CNRS Annette Wieviorka, historienne, CNRS Claire Zalc, historienne, CNRS
Larissa Zakharova, historienne, EHESS Ewa Zarzycka-Berard, historienne, CNRS Paul Zawadzki, politiste, université Paris I