Nous voudrions consacrer le 3e numéro de la revue au sujet suivant : Être Juif à l’épreuve de la France occupée dans le roman français contemporain.
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Appel à contributions :
On sait que la publication des Bienveillantes de Jonathan Littell a relancé la polémique concernant la relation entre fiction, histoire et mémoire, ainsi que la question des liens entre éthique et esthétique (voir par exemple, entre autres, Annales 65 : 2 (2010) ; Le Débat 165 (2011) ; Yale French Studies 121 (2012)). Le roman de Littell est pourtant loin d’avoir été le seul à raviver le débat sur la question de la représentation littéraire de la Shoah. Nos intentions dans ce numéro ne sont pas de revisiter ces questions tant débattues par rapport aux centaines de romans en français sur la Seconde Guerre mondiale publiés depuis le tournant du XXIe siècle, mais de nous intéresser aux romans qui prennent comme sujet spécifique les mille et un aspects de la situation des Juifs en France pendant l’Occupation allemande et ce qu’on a parfois appelé les « années noires » de Vichy. En effet, de très nombreux romans rédigés depuis plus d’une vingtaine d’années par des auteurs juifs comme non-juifs (Modiano et son Dora Bruder (1997) aurait été un catalyseur non négligeable), prennent comme thème principal la collaboration, la délation, les rafles, la déportation mais aussi la résistance et les multiples tentatives et réseaux pour sauver les Juifs. Il s’agira ainsi de mesurer l’importance accordée à la persécution des Juifs sous l’Occupation de la France dans la production contemporaine et ses enjeux tant esthétiques qu’éthiques, aussi bien chez les écrivains qui sont des « descendants » des victimes que ceux qui sont des « héritiers » des événements de la Seconde Guerre mondiale (sur cette distinction que nous adoptons pour ce numéro, voir Aurélie Barjonet, L’ère des non-témoins. La littérature des « petits-enfants de la Shoah » (2022)).
Sans dresser ni une liste exhaustive ni une typologie, ne citons que comme exemples :
(1) Les romans où la persécution juive, la dénonciation ou plutôt la délation et l’éventuelle déportation jouent des rôles importants dans l’intrigue : Didier Daeninckx, Itinéraire d’un salaud ordinaire (2006) ; Patrick Cauvin, Venge-moi ! (2007) ; Romain Slocombe, Qui se souvient de Paula ? (2008) et Monsieur le Commandant (2011), sans parler de la série de six polars par Slocombe sur son personnage abject l’Inspecteur Léon Sadorski (2016-2022) ; Laurent Cohen, Sols (2010) ; Isabelle Stibbe, Bérénice 34-44 (2014) ; et Alexis Ragougneau, Niels (2017).
(2) Les romans qui tournent autour de la révélation d’un secret familial ou amical : Pierre Assouline, La Cliente (1998) ; Philippe Grimbert, Un secret (2004) ; Fabrice Humbert, L’Origine de la violence (2009) ; Olivia Elkaim, Les Graffitis de Chambord (2008) ; Samuel Doux, Dieu n’est même pas mort (2012) ; et Ariane Bois, Le Monde d’Hannah (2011).
(3) Tout un groupe de romans ou de récits (parfois basés sur une expérience personnelle ou familiale) qui traitent des enfants cachés, tels Élisabeth Gilles, Un paysage de cendres (1996) ; Berthe Burko-Falcman, L’Enfant caché (1997) ou Un Prénom républicain (2007) ; Raphael Delpard, L’Enfant sans étoile (2010) ; Julia Billet, La Guerre de Catherine (2012) ; Corinne Royer, La Vie contrariée de Louise (2012) ; Christian Signol, Les Enfants des Justes (2012) ; Philippe Hayat, Momo des Halles (2014) ; et Carole Zalberg, Chez eux (2015).
Ce 3e numéro de Franges voudrait encourager des contributions sur ces romans et récits contemporains qui ont été relativement moins analysés que d’autres (voire pas du tout) autour des problématiques suivantes :
– Existe-t-il une spécificité de l’approche proposée par les « descendants » des victimes en regard de celle que proposent les « héritiers » ?
– Les questions éthiques et esthétiques soulevées par les différentes stratégies narratives adoptées. Quels sont les moyens mobilisés par les romanciers, néophytes ou expérimentés, pour aborder le sujet ?
– S’agit-il de romans conventionnels mêlant histoire et fiction, ou de fictions dites « postmodernes » (voir entre autres Helena Duffy, The Holocaust in French Postmodern Fiction : Aesthetics, Politics, Ethics (2022)).
– Comment l’Occupation et les Juifs en France constituent-ils un sujet à part entière dans le roman français contemporain et quels en sont les enjeux ? Pourquoi se tourner vers ce sujet depuis la fin du XXe et le début du XXIe siècles (raisons personnelles, familiales, marketing : parce que le roman sur la Seconde Guerre mondiale se vend bien… ?). Kitsch ou investissement narratif dans une histoire qui importe encore ? (Voir par exemple Mémoires occupées : Fictions françaises et Seconde Guerre mondiale, dir. Marc Dambre (2013)).
Ces axes et ce corpus sont proposés à titre indicatif uniquement. Ils ne sont pas contraignants. Tout projet de contribution sera examiné en fonction de son intérêt propre.
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Les propositions d’articles (de 200-300 mots) sont à envoyer en document Word pour le 1er septembre 2024, accompagnées d’une brève notice biobibliographique de l’auteur/autrice, aux adresses suivantes : molega@biu.ac.il et maximedecout@yahoo.fr.
Nous écrirons aux auteurs/autrices au courant du mois d’octobre 2024. Si la proposition est retenue, le texte de la contribution de 30000 signes espaces compris environ, sera attendu pour le 1er mars 2025.
Les articles soumis à la revue Franges seront évalués par au moins deux pairs, indépendamment des directeurs du numéro, de manière anonyme et pour les auteurs/autrices et pour les lecteurs/lectrices. On n’acceptera aucun article déjà publié ou à paraître ailleurs.
Appel rédigé par Gary D. Mole et Maxime Decout
Pour le comité de rédaction : Maxime Decout, Yona Hanhart-Marmor, Gary D. Mole, Nelly Wolf