Depuis la destruction du Temple en 70 de notre ère, l’hébreu, réduit à un usage sacré, avait cessé d’être une langue vivante. L’hébreu moderne compte aujourd’hui plus de huit millions de locuteurs. C’est ce phénomène inouï, unique dans l’histoire, que Keren Mock cherche à élucider : la résurgence d’une langue antique qui, en une génération, reprend vie après une éclipse de deux millénaires. Mais ce « miracle linguistique » a supposé trois siècles de métamorphoses : une genèse culturelle dont il fallait rassembler et interpréter les archives pour comprendre le processus.
En procédant à une fouille archéologique qui nous conduit du présent aux strates les plus anciennes, l’investigation met au jour trois médiations : la littérature d’aujourd’hui (Appelfeld et Michael) qui offre à l’hébreu contemporain son socle écrit, la lexicographie (Ben Yehuda) qui en élabore le lexique en ressaisissant sa tradition, et la philosophie (Spinoza) qui fonde le concept d’une langue profane.
Ce livre est un événement. Combinant les ressources de l’histoire, de la psychanalyse, de la sémiologie, de l’intertextualité et de la génétique des textes, Keren Mock multiplie les questions et les découvertes : qu’est-ce qu’une langue maternelle ? Comment la réinventer ?
À quel prix pour les locuteurs de la diaspora ? On dialogue avec des écrivains vivants, on pénètre dans « la fabrique » de Ben Yehuda, on découvre la Grammaire hébraïque et sa place cruciale dans l’oeuvre de Spinoza. Une flamboyante aventure intellectuelle qui fera date.
Diplômée de psychologie clinique et de philosophie, traductrice, docteur ès Lettres, Keren Mock enseigne à l’Université Paris Diderot.