Le jury du Prix de thèse 2021 de la Société des études juives, réuni sous la présidence de Sylvie Anne Goldberg, et soutenu par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, a attribué cette année à Mme Sarah Gimenez et à Mme Zoé Grumberg deux prix de thèse ex aequo :
Sarah Gimenez : « Edition critique : du proverbier manuscrit d’I.S. Révah (judéo-espagnol, Salonique, 1936) »
Résumé de la thèse : Le proverbier manuscrit du professeur I.S. Révah est un recueil de proverbes judéo-espagnols resté inédit dans les archives de l’A.I.U. Il se compose de 1601 unités recueillies par lui-même à Salonique en 1936. C’est avant tout en tant que linguiste qu’I.S. Révah, lui-même locuteur de judéo-espagnol et salonicien d’origine, s’est attaché à signaler les caractéristiques phonétiques du parler de Salonique. Cette variété dialectale et sa notation ont fait l’objet d’une polémique qui l’a opposé aux linguistes C.M. Crews et J-P. Vinay. Le proverbier d’I.S. Révah a pour particularité la description du parler populaire des Judéo-espagnols de Salonique à la veille de la disparition de cette communauté. Il est un témoin de la culture orale des derniers temps de cette communauté et présente, pour cela, des différences notables avec d’autres proverbiers, y compris saloniciens postérieurs à la Shoah. Il compte des unités très diverses, de nombreuses variantes et 80 proverbes non-documentés. La présente édition critique examine les partis-pris de l’auteur, revient sur les termes de la polémique linguistique et identifie les marqueurs du dialecte salonicien. En l’absence de toute glose de l’auteur, l’édition critique établit le sens (littéral et figuré) des proverbes et retrace, autant que faire se peut, leur origine et leur cheminement.
Zoé Grumberg : « Militer en minorité ? Le « secteur juif » du Parti communiste français de la Libération à la fin des années cinquante »
Résumé de la thèse : À travers l’étude du secteur juif du Parti communiste français (PCF) et de ses militant(e)s – des Juifs yiddishophones originaires d’Europe centrale et orientale – entre 1944 et la fin des années cinquante, cette thèse propose trois questionnements. Elle interroge d’une part le rôle de l’engagement politique et du PCF dans l’intégration des immigrés et des minorités en France et dans la réintégration des Juifs en France après la Shoah. Elle étudie d’autre part le rôle central des Juifs communistes yiddishophones dans la reconstruction de la vie juive française après le génocide. À cet égard, elle cherche à s’émanciper du débat qui tend à voir les Juifs communistes comme des calculateurs politiques dont le but serait avant tout de diffuser et d’appliquer la politique du PCF dans le monde juif ou, au contraire, comme des passionnés de culture yiddish dont l’engagement au PCF serait secondaire. Au moins jusqu’aux années cinquante, les Juifs communistes du secteur juif du PCF parviennent à concilier la propagande communiste avec la défense des intérêts des Juifs. Les premières années de guerre froide et la politique soviétique vis-à-vis des Juifs les mettent toutefois face à leurs contradictions. Ces années sont celles de leur marginalisation dans le monde juif français, qui ne peut accepter le silence des Juifs communistes sur « l’antisémitisme rouge ». Enfin, à travers le suivi des trajectoires d’un corpus de 26 militant(e)s, cette thèse questionne l’engagement, les carrières militantes et les identités sociales des Juifs communistes. L’approche par les trajectoires permet de questionner l’impact des variations des identités sur l’engagement politique et sa perpétuation.
Les deux lauréates ont reçu leur Prix le 13 décembre 2021 l’occasion du Congrès de la Société des études juives.
Félicitations !